Zones théâtrales: Les beignes, une comédie grotesque, pétillante et captivante!

Zones théâtrales: Les beignes, une comédie grotesque, pétillante et captivante!

Les Beignes: toute la compagnie
Théâtre populaire d’Acadie

Le festival Zones théâtrales, évènement biennal qui met en vedette les spectacles issus des communautés francophones des régions, est de nouveau parmi nous.  Désormais sous la direction artistique de Gilles Poulin-Denis, le festival comporte sept spectacles, six  lectures publiques ainsi que des Zones « chantiers » soit des laboratoires de recherche où le public est invité à assister aux répétitions et à découvrir les technologies les plus récentes intégrées à la création scénique.

On y  retrouve également la Pépinière d’artistes internationale, un atelier de travail avec 18 participants provenant de 8 pays francophones ainsi qu’un groupe de 16 jeunes créateurs du Canada encadrés par le metteur en scène congolais Abdon Fortuné Koumbha. C’était un  grand plaisir de revoir Koumbha au CNA après une première rencontre au Tarmac (Paris) où  il a joué  sous la direction de Hassane Kouyaté, directeur artistique de l’Atrium à Fort-de-France (M Martinique).  http://capitalcriticscircle.com/4-heures-du-matin-une-complicit-mouvante-entre-acteur-et-metteur-en-scne/#more-11348. Voilà que le festival a eu l’excellente idée d’ouvrir son regard en invitant les artistes venus de l’extérieur du Canada et Zones ne peut qu’en profiter!

Les Beignes, une incursion dans le monde de la culture populaire, représentée par l’incontournable Tim Hortons, a ouvert le festival. Un regard caricatural de bande dessinée hyper-animée a produit un spectacle à la fois grotesque, fascinant, d’une présence corporelle vibrante où le metteur en scène Matthieu Girard,  nous a montré ses dons de chorégraphe, sa maîtrise du rythme et son imaginaire frénétique qui puisent à toutes les sources possibles.

Parti d’un argument tout à fait  banal, la vie de ceux qui passent leur temps dans les espaces  de la  restauration rapide, pour s’évader de leur réalité désagréable,  la pièce évolue vers un cauchemar effrayant indiqué entre autres, par des transformations scénographiques frappantes  souvent jouées  au ralenti, marquées par des  couleurs choquantes et tout une foule d’effets scéniques les plus hallucinantes qui nous renvoient au plus profond de l’inconscient trouble de ces personnages.

Le monde de Tim Hortons est en fait, un piège séduisant. Ces gâteaux trop sucrés et multicolores qui font rêver et saliver, répondent surtout aux besoins les plus pervers de cette petite communauté de frustrés. Rosa, (la merveilleuse Diane Losier) est obsédée par le souvenir d’un mari défunt dont les paninis au chili remplacent les plaisirs d’une vie amoureuse qui lui est désormais interdite.  Dion (Marc-André Robichaud), personnage tragi-comique, devient le parfait nerveux, bègue, obsédé  par l’image trouble d’une mère dominante. Marco (Matthieu Girard)  le gérant  du resto aux penchants tyranniques mais qui se fond devant  la nerveuse petite Krystelle (Tanya Brideau) poursuivie sans arrêt par son patron. Dans cette ambiance merveilleusement chaotique, il faut  noter la présence féroce de David Losier qui incarne Johnny, un corps bourré d’énergie  explosive qui  nous rappelle la grande vedette enragée de la chanson populaire, Meatloaf.  Un participant avide des concours du plus gros mangeur de baignes, notre Johnny, les cheveux au vent, le ventre en plein tremblement digestif, jouit de ces concours qui lui permettent  de manger d’énormes quantités de beignes jusqu’à en mourir.  Il faut le voir s’empiffrer  pendant le concours Tim Hortons, sous les hurlements d’encouragement de ses  camarades sadiques pour qu’il continue jusqu’à l’étouffement.

Le comédien s’impose comme un monstre de la scène.   Nous glissons peu à peu dans une vision freudienne d’un monde où Éros et Thanatos se disputent  la vie de ce pauvre Johnny  à la merci de ses pulsions les plus destructrices. Marco Ferreri a bien capté cette ambiance  quasi suicidaire dans son film La Grande Bouffe  mais  Girard y a inséré son propre prédateur féminin, la Mama Rosa en chaise roulante qui ne peut s’empêcher de draguer les jeunes afin de calmer les souvenirs excités de son mari défunt. Chaque panini au chili devient un repas cannibalesque et une force de jouissance quasi mythique où l’apparition du héros Tim (Horton) finit par mener tous ces pauvres vers leur destin .

Voilà une œuvre dont la tendance morbide,  insoupçonnée au départ,  nous emporte, malgré certaines longueurs.  Cette mise en scène pétillante d’un scénario cauchemardesque transforme Tim Hortons en un lieu d’horreur comique, une bande dessinée vivante que Girard et son équipe a parfaitement captée.

Compte rendu d’Alvina Ruprecht.

Une production du Théâtre populaire d’Acadie

Texte et mise en scène de Matthieu Girard

Distribution :

Krystelle  –  Tanya Brideau

Rosa – Diane  Losier

Johnny – David Losier

Dion – Marc-André Robichaud

Marco – Matthieu Girard

Le héros Tim Horton-  Frédéric Melanson

Retrouvez l’article sur le site:  www.theatredublog.unblog.fr

 

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