L’implorante: exploration corporelle de la correspondance déchirante entre Rodin et Camille Claudel. (Les Zones théâtrales)
La rencontre de plusieurs formes d’expression artistique : vidéo, sculpture, danse, littérature, photographies et images/textes empruntés des téléphones mobiles et une suite d’illusions spatiales nous interpellent dès les premiers moments de ce fascinant spectacle. Le fond de mur semble glisser à droite puis à gauche. La comédienne/danseuse envoie des textos qui sont projetés contre le mur, devenu écran à recevoir tous les films qui nous transportent à travers le monde. Le train passe, le mur s’ouvre et nous voilà dans le métro à Paris, ou dans la cour de l’atelier de Camille Claudel, ou au Musée Rodin où le rapport entre les amants commence à se dessiner. .
Tandis que la jeune comédienne , prépare une exposition dans son atelier parisien, nous entendons la voix ‘off’ qui lit la correspondance passionnée entre Auguste Rodin et Camille Claudel, la sœur de l’auteur dramatique et diplomate Paul Claudel, mais surtout l’élève de Rodin qui est devenue sa maîtresse, son modèle , une artiste selon les uns, encore plus douée que le maître.
La première partie du spectacle qui dure à peu près 75 minutes, se situe dans le présent où la relation Rodin-Camille Claudel opère une fascination sur la danseuse et nous devinons un parallèle entre ce rapport déchirant des deux sculpteurs et sa propre vie. Tandis qu’elle prépare une exposition de photos et de sculptures, la toile de fond d’une relation amoureuse est évoquée par les appels téléphoniques qui apparaissent sur les murs, qui interrompent la jeune femme, et qui assurent le va et vient entre le présent et le passé où un romantisme exacerbé déchire ce corps fragile..! Et toujours Sylvie Bouchard se transforme en sculpture vivante, la figure pathétique de L’implorante : cette jeune femme qui constitue une des figures du tryptique L’âge mûr de Camille Claudel qui exprime la tragédie d’une jeune femme abandonnée par son amant pour une femme plus âgée. L’implorante essaie de retenir son amant mais la femme mûr l’emporte.
La danseuse est accaparée par cette figure tragique alors que la deuxième partie du spectacle nous renvoie à la folie de Claudel, après le départ de son amant. Les temporalités et les récits amoureux se confondent mais l’effet est très puissant et alors que la voix off lit le désespoir de Camille dans sa correspondance, Bouchard plonge dans la vie de cette femme déchirée par la folie. Des gestes saccadés, des membres désarticulés, tout s’écroule sous le poids de la douleur tandis alors que le corps de cette femme se déchaine dans toute sa frénésie. Un éclairage subtil, discret, quasi pudique, caresse les formes nues que nous devinons dans la pénombre d’une conscience qui s’enfonce dans l’abime. Les derniers moments sont intenses et choquants, et tout d’un coup, tout se termine!
Selon Louise Naubert, il n’y avait plus besoin d’en dire davantage. Dommage car j’aurais voulu en voir plus.
Vision minimaliste d’un corps où l’expression de la folie devient le moment insaisissable et l’espace brouillé au croisement de la musique, des voix enregistrées, des pas de danse, des formes sculptées, et des images filmées, l’incarnation d’un esprit qui perd ses moyens dans un chaos chorégraphié méticuleux… C’est un spectacle d’une belle émotion qui devrait tourner dans le monde entier.
I’Implorante était présenté au théâtre du Tabaret Hall, à l’Université d’Ottawa, dans le cadre des Zones Théâtrales à Ottawa.
Ottawa, Alvina Ruprecht
L’implorante (Zones théâtrales)
Idéation : Claude Guilmain
Mise en scène : Louise Naubert et Claude Guilmain
Scénographie : Glaude Guilmain en collaboration avec Duncan Appleton et Louise Naubert.
Éclairages : Guillaume Houët
Musique originale : et environnement sonore : Claude Naubert
Chorégraphie : Sylvie Bouchard
Tournage vidéo et photographie (Paris) : Guillaume Houët
Composition d’images : Duncan Appleton, avec Glaude Guilmain et Louise Nauber