Lors d’un entretien avec l’auteur dramatique suédois[2], Jean-Louis Martinelli, directeur artistique du théâtre Nanterre-Amandiers et metteur en scène de Calme, évoque sa découverte des pièces de Norén, une vingtaine d’années plus tôt : « J’avais lu tout le cycle de ses premières pièces où il parle de la famille bourgeoise suédoise, de la névrose familiale, des mères absentes qui communiquent avec leurs enfants par téléphone, du rapport à l’inceste. Quelque chose me frappait déjà dans cette écriture : le sentiment qu’elle procède par accumulations successives, par couches, [mais] qui ne nous donne jamais de résolution mais plutôt l’épaisseur d’un conflit interne et interpersonnel. »
Calme (Stillheten, 1984), déjà la troisième création d’une œuvre de Norén par Martinelli[3] tirée de ce premier cycle de sa dramaturgie, constitue la dernière pièce d’une trilogie[4] qui décortique et expose les couches problématiques des relations familiales et nous montre surtout que le metteur en scène a un rapport très intime avec ce monde troublant de l’auteur.
Autant la mise en scène raffinée et délicate de Martinelli m’a charmée et étonnée, autant les propos de l’auteur m’ont bouleversée. Heureusement, la tension entre ces impressions antagonistes est résolue par le dialogue parfaitement maîtrisé entre le décor poético-hyperréaliste, le jeu passionné, et la névrose des personnages dont les rapports sont parfois comiques mais surtout d’une dureté insupportable. Il est certain que le travail de Martinelli et son équipe artistique a cerné toutes les subtilités psychologiques qui font vibrer les rapports difficiles entre ce couple âgé (Ernst et Lena) et leurs deux fils adultes (John et Ingemar), enfermés dans la solitude d’un hôtel sur une île isolée. Bergman semble tout à fait dans le paysage ainsi qu’Eugène O’Neill voire Tchekhov si on écoute bien les dialogues qui souvent font allusion à un texte qui n’est jamais assez explicité.
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