l’École des femmes : Un joyeuse adaptation hybride, portée par le metteur en scene et le jeu magistral d’Andy Massingham.

l’École des femmes : Un joyeuse adaptation hybride, portée par le metteur en scene et le jeu magistral d’Andy Massingham.

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Version posted on the site  theatredublog.unblog.fr

Photo. David Whitely.

Cette traduction/adaptation de L’École des femmes par David Whitely, est une tentative de rendre la langue de Molière accessible à un  public anglophone qui connaît mal le théâtre français du dix-septième siècle. Au départ on ressent la présence d’un étrange anachronisme entre une mise en scène (John P. Kelly)  presque « classique » et le rythme naturel des répliques anglaises de style populaire au XXIe siècle écrites en alexandrins! En effet le XVIIe (en France) et le XXIe siècle (au Canada) ont réalisé une fusion qui finit par fonctionner assez bien, même si, pour certains  puristes, cette rencontre linguistique pourrait paraître indigeste. Malgré tout, l’événement, et le texte semblent avoir respecté la sensibilité de Molière. Cette langue contemporaine peu raffinée, semble  faire écho au côté frondeur de l’École… qui a  refusé les règles d’Horace et choqué certaines oreilles sensibles de la cour et des Précieux  « ridicules » (voir La Critique de l’École des femmes).

Bien sûr, ce texte en anglais dépouille Molière de ses tournures, ses images, et efface toutes les parodies de la liturgie, du catéchisme et des sermons dont les traces étaient très fortes. Toutefois, ce texte a profondément touché le public anglophone en mettant en relief le travail physique des comédiens, ce qui semble rendre hommage aux  origines populaires du théâtre de Molière. Ce jeu, très physique, capte  la sensibilité mixte du théâtre de Molière qui cerne à la fois le raffinement de la cour et la vulgarité de la commedia, ce qui nous renvoie à une époque qui précède celle où  Molière a rédigé ses propres  textes. Curieux paradoxe.

Vêtus des costumes d’époque brillants, beaux et raffinés, les acteurs jouent devant une jolie façade peinte qui évoque l’hôtel particulier d’Arnolphe. Ils se lancent tous dans un  joyeux carnaval de mime, des courses autour de la maison, des volets qui s’ouvrent, des portes qui claquent, des domestiques qui se déplacent comme des marionnettes et des moments qui semblent tout à fait improvisés, ce qui n’est pas du tout le cas puisque tout est parfaitement orchestré.  Des chocs émotifs font rougir les nez,  enfler les joues, et transforment les visages en masques grotesques  avant de déclencher un jeu de cache-cache  cruel. La petite Agnès et son amant  (Horace) font un va et vient frénétique autour de la maison, sous le nez du pauvre Arnolphe, victime impuissante  d’une paranoïa grandissante provoquée pas ces trahisons  auxquelles il refuse de croire. Ces  tableaux bouleversants captent la psychologie d’Arnolphe, ce qui montre que le traducteur a été sensible à toutes les nuances du pauvre Monsieur de la Souche (Douche en anglais!) dont la vie est en train de sombrer dans la confusion la plus totale.

Le jeu des  comédiens était  bien orchestré, mais c’était surtout Andy Massingham (Arnolphe)  qui a transformé ce spectacle en moment de grand théâtre. Professeur de jeu dans une école locale depuis plusieurs années, cet acteur s’intéresse depuis longtemps à différentes orientations du jeu corporel et ici il a pu trouver un terrain de rencontre entre la  commedia, un romantisme exacerbé et un début de paranoïa qui  déforme le corps d’une manère qui rappelle le jeu des artistes de la Commedia.  Le résultat était superbe.  Cabtiona Leger qui a joué Georgette faisait également preuve d’une grande maîtrise physique, surtout lorsqu’elle se transforme en Enrique, le beau-frère de Chrysalide qui  passe de la vulgarité de la basse-cour aux maniérismes des salons des Précieux, un grand moment de mimique qui doit  surement beaucoup au metteur en scène qui a orchestré le gestuel et tous les déplacements  pour assurer l’harmonie du style. De manière générale, les autres comédiens, qui n’avaient ni l’énergie physique, ni la formation qui les prédisposait à un tel jeu, ont pu profiter de cet exercice de style qui a donné d’excellents résultats.

Traduire/adapter un texte d’une  culture vers une autre, surtout lorsque  l’humour et la «critique » inscrits dans le texte de départ reposent sur des références qui sont fortement ancrées dans la culture de départ,  n’est  pas chose facile.  Grâce à ce metteur en scène  très versé dans toutes les formes de jeu scénique et à la collaboration d’un comédien très doué,  le spectacle a capté les personnages populaires de la Commedia, les propos obscènes, son  climat d’allégresse, sa gaieté, ses conflits de générations,  la parodie des maîtres et toutes les initiatives de la scène populaire, curieusement  amadouées par le raffinement de l’alexandrin traduit en anglais.  On pourrait parler donc,  d’un  Molière  en hybride « postmoderne »  et surtout,  d’un spectacle très divertissant et parfaitement transparent!

SevenThirty /Plosive Theatre production, Ottawa,  jusqu’au 28 septembre, 2004

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