Le songe d’une nuit d’été : ou le burlesque, le grotesque et l’onirique se font concurrence……

Le songe d’une nuit d’été : ou le burlesque, le grotesque et l’onirique se font concurrence……

Traduction de Michelle Allen,  mise en scène d’Olivier Normand  Photo Stéphane Bourgeois

Imposer une mise en scène dominée par la présence corporelle des acrobates qui font irruption dans un paysage éclairé  de couleurs lumineuses, baigné d’une belle musique mais pris en charge par des  comédiens qui hurlent comme des forcenés (notez surtout Maude Boutin St-Pierre) , marqué  par la vision du cirque.  Voilà l’esthétique d’Olivier Normand à laquelle il faut s’ habituer. 

Cette  pièce transformée en  masque aux acteurs effrénés ,  méticuleusement  orchestrée,  donne l’illusion de libérer  les acteurs des contraintes des traditions scéniques en  les transformant  en acrobates et spécialistes du cirque.  On ressent un moment de grande joie de la part des comédiens  plongés dans l’immensité du jeu corporel alors qu’ils se heurtent  à la   structure dramaturgique, d’une grande complexité. Le résultat est un spectacle marqué par des moments de malaise .   

 Comment ne pas se sentir gêné  par les comédiens qui hurlent comme des forcenés, des acrobates qui interrompent des moments d’Intimité,  dans  des paysages  d’une  grande beauté.   Souvent le plaisir visuel fut interrompu par la frustration face à ce « remix » chaotique,  cette liberté du regard interdisciplinaire avec tout ce que cela supposait de folie collective apparente,  de ruptures et de ces transformations  étranges et inhabituelles. Le public était ravi de cette liberté par rapport  au regard traditionnel de  Shakespeare , ce laisser aller, ce désir de ne pas tenir compte des frustrations face à une forme de théâtre qui invite  la remise en question ou le « remix »  qui nous plonge dans la saleté,  la confusion,    le grand malaise devant un texte bousculé à un tel point ou les regroupement des personnages sortent de leurs origines de classe et s’envolent vers l’inconnu. .

Cette version de Shakespeare a mis en relief le burlesque, le mordant, surtout plusieurs niveaux de distanciation par une parodie d’une parodie du théâtre joué par  Bottom (Hugues Frenette)  et l’équipe d’ouvriers qui préparaient Pyramus et Thisbe,  un divertissement populaire destiné au mariage des aristocrates athéniens , le  Duke  (Jean-Sébastien Ouellette) et  la reine Hyppolyta. (Valérie Laroche)   

Surtout il faut bien noter la suite du masque qui déborde le spectacle préparé pour l’occasion du mariage mais qui  continue dans la forêt « spontanément ».  La folie de la reine des fées Tatiana  (Valérie Laroche)   était inoubliable.  Ses cris de plaisir éclatent  lorsqu ‘ elle apperçoit  Bottom le rustre transformé en âne ,  après que « Puck », le petit malin,  lui avait passé les fleurs magiques aux  yeux pour qu’elle tombe amoureuse de la première personne qu’elle aperçoive au réveil.  Et voilà Bottom, victime  transformé en âne ridicule dont le membre énorme suscite des rigolades étouffées dans la salle!!!!  Ses scènes d’amour entre Tatiana et Bottom sont légendaires et elles sont bien réussis, moment de folie culminante lorsque les désirs confus des amants plongent les invités  dans le plus grand désarroi!  

Certains moments de plaisir fou se transforment en folie grotesque surtout vers la fin de l’œuvre lorsque les jeunes : Lysandre (André Robillard)  et Démétrius (Jean-Michel Girouard)  cherchent  les femmes dont ils sont à leur tours   tombés follement amoureux  d’une passion presque animale suscitant des jalousies bestiales. Hermia était la reine de cette sauvagerie!  . Tous finissent par s’endormer enfoncés dans la boue sous les feuilles !   La saleté fait irruption dans le réel et le monde féérique qui finissent par  se distinguer à peine. Cette distinction au départ qui était la source du conflit,  disparaît peu à peu. La similarité des costumes, et un effet de miroir très  travaillé par les scénographes et les costumiers,  marquent  les ressemblances  et récupèrent les   traces presque  déplacées dans cette étrange dialectique entre la parole et le corps.

Qui sort gagnant de cette rencontre?  La réponse est claire!   Le jeune public dans la salle   ébloui  par la fantaisie qui a explosé sur  scène.   Shakespeare rajeuni et dépoussiéré …..pourquoi pas!!  Heureusement, nous avons  pu apprécier les  traces reconnaissables  qui nous rassuraient que l’auteur a  survécu magistralement  à ce mélange de disciplines!!

Shakespeare a eu le dernier mot c’est clair   mais voilà une  soirée qui apporte  d’étranges plaisirs !

Le Songe d’un Nuit d’Été    présenté au Centre national des Arts (Ottawa) du 13 au 16 février;  une  production du théâtre du Trident à Québec  qui tourne dans la région.  

Publié aussi sur le site:  http://theatredublog.unblog.fr/2019/02/17/le-songe-dune-nuit-dete-mise-en-scene-dolivier-normand/

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